samedi 10 octobre 2015

La Croix Rouge sert-elle les pauvres ? Pas si sur.

La Croix rouge sert-elle les pauvres?
Discussion de comptoir :
Un jeune gus sympa, Jo, vilipende (à juste titre) le système qui taxe ceux qui tentent de s'en sortir (de travailler, de fonder leur boîte etc..) les accable de charges.. et les font couler.
- Moi par exemple, je suis dans la merde pas possible. J'ai bien essayé mais voilà... Je n'ai même plus de chaussures convenables. (Il montre ses semelles.) Et plus les moyens de m'en racheter. 40 € au moins. Je priorise mes enfants. Il leur faut bien de la viande tous les jours à leur âge.
- C est un mauvais exemple. Non. C'est même malsain. . Et ignoble. Allez aux abattoirs, on en reparlera..
- Moi, au point où j'en suis, je me fous, mais alors complètement, de la manière dont sont tués les animaux..
- Sauf qu'ils ne sont plus comestibles. Mais vous avez raison sur un point : la souffrance animale est d'abord la souffrance humaine.
Vous souffrez du manque et vous vous foutez de la souffrance animale. Et pourtant c'est aussi la vôtre. Le système tourne rond.
- Mais c'est pas pareil un homme et une bête.
- La souffrance est toujours la souffrance. Et nous sommes dans un même bateau, la terre, hommes animaux et plantes. Tout se tient  (et se paie) mais ce ne sont pas les responsables qui paieront le plus, au contraire et hélas in fine c'est nous tous. On n'a pas le droit de sérier les problèmes même si ca complique. Ça me rappelle mon copro qui avait abattu un mur porteur de notre maison commune. Il était "chez lui" (!) On a dû  lui expliquer que sur un navire on ne pouvait pas percer la coque dans sa cabine parce qu'on y était chez "soi". Mais pour revenir à  vos godasse, à la Croix- rouge, ils en ont à 3 €... parfois très bien.
-NON TOUT DE MÊME ! JE N'EN SUIS PAS LA ! JE NE VEUX PAS EN ARRIVER LÀ !
-Mais pourquoi? (Je montre les miennes ). Je les y bien ai achetées, moi.
- Oui.. mais pour moi ce serait la fin... un constat d'échec. Définitif. Comme si je baissais les bras. Et je n'en suis tout de même pas encore là. Comme si j'acceptais de ne pas y être arrivé.
-Arrivé où?
- Arrivé"!
- Oui mais où? A ne pas aller à la Croix rouge? (!)
- Là où je voulais. Créer ma propre entreprise... Élever convenablement mes enfants. M'en sortir, en cette période où c'est si dur pour nous.
- Mais ça n'a rien à voir.. au contraire ! Ça  simplifie.
- Si. Pour moi le jour où j'en suis réduit à ça, c'est fini. J'ai perdu.
- Parce que vous êtes imprégné du système idéologique qui vous impose des valeurs absurdes, et mortifères, la réussite... "arriver" etc... c'est comme une doxa... et évidemment ces valeurs vont à l'encontre de vos intérêts et de votre simple bien- être : c'est voulu. Votre honte (car c'est bien d'une honte qu'il s'agit) le sert. Vous faites comme Gigi (ndlr, un homme très pauvre... et très bruyant !) qui arborait il y a peu, fièrement, des baskets immaculées en clamant aux terrasses  : "moi je suis un (...) mais quand j'ai besoin de chaussures, je vais pas à la Croix-rouge, je vais à Lidle. J'en veux que personne a portées avant moi, même si je suis un (..) !"
Vous voyez bien combien c'est puéril  ! C'est un complexe qu'on vous a inculqué pour vous humilier. Cela sert le système. C'est aussi relié au village. Il est constitué de bulles immiscibles qui se côtoient mais se mésestiment en pyramide. Je connais une femme qui se moque cruellement de ceux qui se servent chez Netto (ndlr, un petit supermarché pour pauvres)... elle, en principe, n'y va  pas (mais quand c'est nécessaire, y envoie quelqu'un!) .. Elle classe les gens entre "ceux qui vont chez Netto" et ceux qui vont à Champion (!) et je lui pose un insurmontable problème éidétique car je serais dans la "bonne" catégorie.. mais je vais chez Netto..
- Elle est con..
- Les imbéciles sont des gens précieux car ils poussent jusqu'au bout, jusqu'au point de rupture, jusqu'au grotesque, des comportements inculqués banaux. C'est pareil pour vous. Comme un sketch.
(Il semble touché.)
Je lui pose problème (comme peut-être à d'autres potes) : l'un d'entre eux, (un petit con, un ami) plus que vous branché réussite, mais qui, lui ne vit que pour son entreprise et occasionnellement sa famille m'a dit que "je devais revenir à  la société" !! (Or sur "google plus", j'ai dix millions de vues et je connais tout le monde ici.) C'est l'illusion. La peur de  déchoir, de déroger d'être isolé.. et l'incompréhension vis à vis de ceux comme moi qui, à  leur sens, dérogent. La même que la vôtre qui refusez d'aller à la Croix rouge. Être comme moi, pour lui c'est être un peu perchée (comme vous m'avez dit.)
- Mais ça ça ne veut rien dire, il y a des mecs qui ont eu autant de vues avec des vidéos où ils défenestrent un chien...
-Mais moi ce sont plutôt des textes plus ou moins philosophiques. Écolos, féministes, vegans, entre autres.
- Vegan ?
- Végétaliens. Je ne mange pas de produits animaux.
- Oh ! Et je suppose qu'en plus vous êtes anti corrida ! (Là, il craque.)
- En plus, oui. Et, qui sait? Au moins dix millions aussi et sans doute bien plus.
La question est que dans une ville on est plus libre car "cela" ne se voit pas. On côtoie n'importe qui... Aller à la Croix rouge, Emaus ou Netto ne pose pas problème.
- Je connais Paris et pour rien au monde je voudrais y vivre ! Les parisiens, c'est des cons.
- Il n y a pas de parisiens. Ce sont au départ des cevenols, des bretons, des picards etc... venus y travailler parce qu'ils ne trouvaient pas chez eux et qui y sont restés. Comme moi.
-Oui mais il n y a pas de solidarité comme ici..
- Je ne sais pas. En trente ans je me suis fait agresser (sans gravité) deux fois. Une, dans le métro, une, à une billetterie. A chaque fois, j'ai été défendue. Ici, j'ai pris une balle dans le bras et.. tout le monde (surtout parmi les responsables de la sécurité, le Maire etc..) semble s'en foutre.
- C'est vrai. On est tellement dans la merde qu'on n'y pense pas.. je suis tellement branché sur ma fille!
Je voudrais qu'elle soit bien élevée qu'elle ait tout, quoi.. et on y arrive pas. Pour moi, c'est le but ... Même si plus tard elle était ... (il rit) je sais pas, mettons gouine quoi.. j'ai rien contre les homosexuels, remarquez, mais bon... quand même je serais tanqué mais je laisserais. C'est ma fille!
- Mais ce n'est rien, on croirait que c'est une tare.. le seul truc, c'est que vous risqueriez de ne pas être grand père, c'est tout mais enfin on n'est pas une espèce en voie de disparition.
- Oui d'ailleurs je disais que j'ai rien contre les homosexuels, j'ai beaucoup de potes homos, mais à condition qu'ils ne cherchent pas à .. enfin ces histoires de GPA et tout..
- Là on est d'accord. Ce sont en fait des achats d'enfants sur commande.. comme si les femmes étaient des usines de production.
- Vous avez vu le sketch génial de Dieudonné à ce sujet ?! Il fait un noir (parce que même qu'il soit noir il se fout des noirs) qui vend des enfants "Vous voulez quel modèle?" etc.. Vous l'avez vu ?
-Non. Je suis contre la GPA sans avoir vu Dieudonné. Je ne regarde pas ses sketchs parce qu'il est antisémite..
- Mais non voyons, il n'est pas antisémite du tout. C'est juste pour le dézinguer qu'on a fait courir ce bruit.. parce qu'il dérange, parce qu'il est anti système, lui, voilà.
- Si. Et du reste il a été condamné pour ça."

Son téléphone sonne et je m'en vais avant qu'il ne m'ait rétorqué la suite habituelle : "c'est juste un complot des juifs parce qu'ils ont de l'argent  c'est tout"... Voila donc un jeune, exploité, qui rame, qui ne peut aller chez le coiffeur ni s'acheter des chaussures, qui s'inquiète pour ses enfants.. qui vilipende à juste titre le système qui le broie... et qui admire ceux qui en sont les socles, les pires, ceux qui font mine de vouloir le détruire pour s'en nourrir... (en rejetant la faute sur d'autres, ici les juifs) ceux qui se nourrissent de son innocence. Je rentre, un peu découragée. Demain sera un autre jour.

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